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Furfande, alpages queyrassins

Dernière mise à jour : 9 janv.




Il existe encore dans les Alpes des espaces sauvages, des étendues de nature immuables, des vallons purs résistants à l’épreuve du temps. Il existe encore dans le Queyras, des alpages flanqués de dizaines de granges perchées à plus de 2000 mètres d’altitude.

C’est ce panorama unique et hors du temps que Furfande donne à voir. En arpentant les chemins de Furfande, j’ai vu les moines quittant leurs refuges la mort dans l’âme pour laisser place aux bergers d’Arvieux, j’ai entendu les cloches des vaches qui paissaient et s’abreuvaient, j’ai fermé les yeux et senti les battements d’ailes des oiseaux.

En quittant Furfande, j’ai immédiatement perçu l’héritage de cette journée fabuleuse, riche d’un nouveau refuge onirique. Quelques jours plus tard, dans la rame bondée du métro parisien, je m’isole et embarque dans la capsule spatio-temporelle de Furfande. Depuis, je ne compte plus ces échappées salvatrices.



On ne nous dit Patou !

Ma phobie des chiens et moi descendions à peine de voiture sur le parking du Queyron à Arvieux, que nous nous retrouvions nez à museau avec cinq patous ! A Furfande, pâturent principalement des cheptels de vaches peu garnis en chiens de garde, mais il faut croire qu’on y emmontagne aussi des ovins. En apercevant ces molosses blancs, je tente de me remémorer les gestes à adopter face aux chiens de protection du bétail… mais mon unique réflexe fût de sauter dans la voiture en claquant la portière !

Cette attitude était quelque peu ridicule en réponse à ces toutous totalement indifférents à notre présence, peu concernés par leur mission de protecteur. Face à la décontraction de leurs maîtres, je dus une nouvelle fois admettre mon inadaptation à ce milieu montagnard qui m’attire tant.


Et la montagne s’effrite

Après une première partie de la randonnée en sous-bois, nous attaquons des sentiers plus escarpés en balcon, suspendus au-dessus de la vallée du Guil. Le soleil du matin chauffe doucement, la pente commence à s’élever, nous nous arrêterons pour ôter les couches inutiles que nous n’enfilerons plus de la journée. Nous sommes alors surpris par un grondement : de l’imposant pierrier que nous venons de traverser, s'écoulent des morceaux de roches pendant plusieurs secondes.

Même si ces paysages semblent préservés et peu transformés par la main de l’homme, ils n’en demeurent pas moins impactés par des bouleversements de plus en plus intenses. Il n’est plus rare de sentir la montagne se contracter et décharger ses tensions en expulsant ses roches démoniaques, telle une délivrance. Ces solides crêtes calcaires sont désormais friables, libérant leurs gigantesques blocs de pierre qui dévalent les pentes comme de petits cailloux.

Les effets du réchauffement climatique sont visibles partout mais à Furfande on cède aisément à la tentation d’ignorer les signes des changements provoqués par l’activité humaine. Le dépaysement est tel qu’on a l’impression, ici, d’avoir traversé les siècles au fil du chemin. Le blackout de Furfande nous fait oublier la piste qui motorise l’ascension au col réduisant considérablement l’effort pour accéder aux chalets, les hélicoptères qui déposent bétonnières et matériaux pour rénover le bâti, et les réseaux téléphoniques qui permettent le partage de cette carte postale en instantané, avec le monde entier…


Le compte est bon !

Après cette section en balcon, nous arrivons au pied du Col de la Lauze où deux parcours s’offrent au randonneur : nous avons le temps de faire la boucle, nous arriverons bien avant la fermeture des cuisines du refuge.

Le paysage change à mesure que nous nous éloignons de la combe du Queyras. J’avais lu que Furfande comptait quatre-vingts chalets, alors, à chaque changement de cap, nous nous apprêtions à les découvrir. Nous apercevons d’abord la rivière, puis les premières toitures que nous surplombons. L’endroit est insolite : une douzaine de cabanes de chaque côté du ruisseau, partiellement occupées en cette fin d’été. Nous traversons ce village en imaginant l’évolution des modes de vie au fil des siècles derniers. Le sentier est étroit et escarpé. C’est la première fois que nous voyons un endroit aussi reculé avec autant de chalets d’alpage mais pourtant je suis déçue de ne pas y trouver le compte annoncé ! A la sortie du hameau, nous apercevons quelques granges sur les hauteurs, comme un espoir d’en découvrir davantage en remontant.

Nous longeons le fond du vallon, la pente s’élève brutalement, devenant assez raide sur quelques hectomètres. Nous arrivons rapidement à un deuxième hameau en contre-bas du petit lac de la Valette qui bénéficie d’un panorama magnifique. Les vaches ne s’y sont pas trompées, nous entendons les premières cloches avant de découvrir le troupeau venu s’abreuver. Le compteur augmente mais nous ne sommes toujours pas à quatre-vingts. Nous commençons à croire que ce chiffre correspond au nombre maximum de constructions qu’il y a pu avoir au XIXe siècle lorsque l’activité dans les alpages était à son apogée. Pourtant, pas de ruines…

Nous quittons le lac pour emprunter un nouveau raidillon en direction du refuge. En haut de la pente, c’est un nouvel alpage, encore plus construit, qui s’offre à nous. A mesure que nous pénétrons dans les granges de Furfande, nous comprenons que le compte est bon !


Un cirque inoubliable

Les cirques sont souvent des endroits dont on se rappelle pour leur côté paisible, celui de Furfande n’échappe pas à la règle. Lovés et protégés par les sommets qui nous entourent, rassurés par un dénivelé plus accueillant, une nature généreuse et une exposition favorable, nous ressentons plénitude et sérénité.

En s’enfonçant dans l’alpage, au détour de chaque chalet, nous sommes émerveillés et sidérés en réalisant l’existence de tels lieux. Furfande est magique ! Même si la météo estivale contribue à ce sentiment de douceur, nous comprenons aisément pourquoi les habitants d’Arvieux avaient décidé de s’installer ici, et trouvons légitime l’inscription de Furfande à l’inventaire des monuments naturels et sites de caractère pittoresque des Hautes-Alpes.

Nous déambulons sur le sentier au milieu des chalets découvrant un panorama extraordinaire : au nord le Col de Furfande, et au sud les sommets du Queyras et de la haute vallée de l’Ubaye.

Après le repas au refuge qui se trouve en lisière du hameau, nous ne pouvons nous décider à prendre le chemin du retour, souhaitant prolonger cette journée que nous savons déjà gravée dans nos sens à tout jamais. Nous retraversons les granges, en suivant le troupeau qui galope vers d’autres pâturages, avant de bifurquer en direction du col. L’ascension est rapide et le panorama ouvert.

Depuis la croix en haut du col, au pied de la Dent du Ratier, nous tutoyons les cimes déchiquetées dont les bases semblent fondre pour s’écouler jusqu’à l’herbe grasse de l’alpage. Aspirés par la pente vertigineuse, nous prenons la tangente et dévalons la pente jusqu’au refuge.

À nouveau saisis par le syndrome Stade 2 *, nous nous allongeons dans l’herbe pour une dernière halte, nous respirons Furfande et rêvons les yeux grands ouverts. La descente se fit sans un mot, sans se laisser atteindre par les questions existentielles. De toute façon, inutile d’envisager une vie ici au grand air : bergers à Furfande c’est pas pour nous, j’ai peur des chiens !




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 *Référence à l'émission sportive diffusée sur la chaîne de télévision Antenne 2 (aujourd'hui France 2) les dimanches en fin d'après-midi dans les années 80. Pour tous les sportifs en herbe, Stade 2 annonçait la fin du weekend, déclenchant parfois une boule au ventre à l'idée de devoir retourner à l'école le lendemain, les devoirs non faits, après l'insouciance des jours de repos hebdommadaires.

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