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La neige, poésie du sauvage


Les premiers flocons font naître en moi une émotion pure, essentielle.


La réaction est à chaque fois identique : stopper toute activité et entrer dans une contemplation méditative. Si l’exaltation est plus forte en début de saison, chaque chute de neige me provoque des frissons.



Ces sentiments, dont l’intensité est restée intacte depuis l’enfance, semblent universels. Rares sont les phénomènes qui touchent autant de personnes pourtant tellement différentes, ce qui les rend d’autant plus complexes à expliquer. Tel le succès de certains tubes qui demeurent souvent un mystère : pourquoi une musique en particulier fait vibrer le plus grand nombre, partout dans le monde ?



Mes impressions varient en fonction de la taille des flocons et de la densité de l’averse : les petits flocons qui virevoltent doucement m’invitent à me délecter d’un moment de poésie que seule la nature peut offrir, alors que la tempête de neige ravive mes instincts primitifs m’enjoignant de rester aux abris – ne regrettant pas à cet instant précis notre rupture avec le sauvage et appréciant sans la culpabilité habituelle le confort de nos vies modernes.

Je pourrais rester des heures à regarder les paysages se poudrer de blanc, pour autant je ne boude pas mon plaisir lorsqu’il neige durant la nuit. Si l’averse débute en soirée, je vais régulièrement coller mon nez à la fenêtre pour contrôler l’état de l’enneigement. A l’heure du coucher, l’excitation est à son comble en pensant au spectacle qui nous attend le lendemain. Et au réveil, quel bonheur ! Le sommeil nous avait presque fait oublier l’événement, mais il faut en général peu de temps pour émerger et, au saut du lit, apprécier la magie des toits couverts d’un manteau blanc.



Après le plaisir de la contemplation, se greffe celui d’éprouver cette matière éphémère. Je marque toujours un temps d’hésitation avant de faire le premier pas qui détruira la perfection de cette surface lisse et vierge ; la tentation de faire ma trace est néanmoins plus forte. Les sensations procurées par mes pas dans la neige fraîche sont uniques, mes appuis sont constamment différents, les fluctuations de profondeur me surprennent en permanence : seuls les montagnards expérimentés savent appréhender ce substrat et anticiper ces perceptions à géométrie variable.



Le pouvoir de la neige c’est d’offrir des moments suspendus : une balade sous les flocons et un ciel laiteux vous transporte vers un autre espace temps. Plus rien d’autre n’importe que l’instant. Lorsqu’il neige, pour moi tout s’arrête. Cela a toujours été le cas : en classe il m’était impossible de résister à l’envie de regarder par la fenêtre et de me concentrer sur le cours ; au travail je décroche immédiatement de mon ordinateur, irrésistiblement attirée par ce qu’il se passe à l’extérieur. Associé à cet épiphénomène, réside un soupçon d’espoir que les précipitations soient suffisamment importantes pour paralyser le pays le temps d’une journée : impossibilité de se rendre à l’école ou au travail synonyme d’une parenthèse de légèreté et d’insouciance –malheureusement avec le télétravail cela ne m’arrive plus !


S’il est vrai que dans certaines situations, la neige qui s’invite à l’improviste n’est pas toujours une partie de plaisir, j’ai quand même du mal à comprendre l’indifférence ou l’agacement de certains adultes à l’égard de la neige. Une personne qui ne s’arrête pas un instant pour regarder la neige tomber, c’est selon moi révélateur d’un détachement par rapport à la nature et à sa poésie, d’une déconnexion avec ce qui est essentiel. Être insensible à la magie de la neige qui tombe, c’est être incapable de saisir la nécessité vitale de protéger notre environnement, c’est être complètement hermétique à l’importance de préserver la biodiversité.



Vivre en montagne, c’est aussi avoir la chance de pouvoir se reconnecter avec le sauvage. Une journée à marcher dans la neige, à l’écart des stations surfréquentées, me nourrit pour plusieurs jours. Marcher, simplement, dans un univers blanc et calme, sans autre but que de se sentir vivant. Percevoir la force des montagnes, ne plus construire de pensées, éprouver la sphère qui nous entoure.


Vivre au contact de la nature, c’est avoir la chance de ressentir des émotions pures en ayant amèrement conscience de leurs fragilités.



 

La quête de l'or blanc

Sur cette thématique, je vous recommande l'épisode "La neige, l'âme de nos montagnes" de l'émission Chroniques d'en haut qui explore la fascination pour l'or blanc.
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