Romans graphiques d’aventures en montagne
- angelinagours20
- 9 janv.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 févr.
Pour mon 14e anniversaire, des amis de la famille m’avaient offert les deux tomes de A la recherche de Peter Pan de Cosey. A l’époque je ne lisais pas. Entrer dans la lecture par la bande dessinée est plus aisé, et il aura suffi de quelques planches pour que je sois complètement happée par l’histoire, dévorant les deux tomes d’une seule traite. Je n’ouvris pas d’autres livres pendant une année jusqu’à ce que j’entre au lycée, où durant trois années je rattrapais le temps perdu en passant le plus clair de mon temps au CDI.
Cependant, je n’ouvris pas d’autres BD avant 2006, époque où, intriguée par l’engouement pour le manga, j’achetais “Quartier Lointain” de Jiro Taniguchi. Séduite par l’histoire et le style, je commandais la quasi intégralité de l'œuvre de Taniguchi à commencer par les cinq tomes du “Sommet des Dieux”. C’est ainsi que j’ai commencé à apprécier le roman graphique et à appréhender mon attirance pour la montagne.
Ce que j’aime dans le roman graphique, c’est avant tout le format qui permet pour la plupart des livres d’aller au bout de l’histoire d’un seul trait, en l’espace d’une soirée. Ce que j’aime dans le roman graphique, c’est le moment suspendu que je saisis pour lire. Mon créneau préféré, je ne vais pas être originale, c’est un dimanche après-midi d’hiver par mauvais temps, sous le plaid. Ce que j’aime dans le roman graphique d’aventures en montagne, c’est d’être embarquée vers des sommets que je n’irais jamais explorer dans la vraie vie.
C’est en venant vivre en montagne et en observant le même décor chaque jour que j’ai complètement embrassé le côté très graphique et inspirant de la montagne. Le même paysage peut se transformer en quelques secondes, offrant un jeu de lumière et de contraste, et une infinité de formes et de textures. Avant, je pensais que vivre la montagne c’était l’explorer. J’ai récemment éprouvé avec enchantement l’approche contemplative de la montagne. N’ayant aucun talent pour le dessin, j’ai décidé de m’essayer à la photographie pour tenter de retranscrire ce que j’observe chaque jour depuis la fenêtre de mon salon, à suivre…
J’ai constaté qu’une belle proportion de mes lectures de romans graphiques traitaient d’aventures en montagne. C’est ainsi que j’ai décidé de proposer cette sélection des BD issues de cet univers que je peux recommander, sélection que j’enrichirai au gré de mes futures découvertes.
BD de montagne, mon Top 3 en 10 tomes
Cosey : A la recherche de Peter Pan

J’avais adoré la première lecture. Sans me souvenir précisément de l’histoire, j’avais gardé en mémoire l’ambiance. Vingt ans plus tard, lorsque j’ai ouvert le premier tome de ce diptyque, je me préparais à être déçue, comme souvent lorsqu’on décide de se replonger dans ce qui devrait rester à l’état de souvenir d’enfance… Mais le talent de Cosey est justement de parvenir à immerger le lecteur dans une atmosphère singulière et universelle. Je me suis donc à nouveau laissée cueillir par ce récit qui nous plonge au cœur des Alpes suisses dans les années 30. Cosey détient la recette de la madeleine de Proust : héros romanesque, décors majestueux, flegme britannique, trait élégant.
Jiro Taniguchi : la série Le sommet des Dieux
Dans ma quête de dévorer toutes les œuvres de Taniguchi après la découverte de Quartier Lointain, j’avais évidemment mis cette série sur la liste. J’ai immédiatement accroché et j’ai dévoré les cinq tomes en un weekend sans pouvoir m’arrêter, avec un petit sentiment de culpabilité de n’avoir fait que ça pendant deux jours, c’était sans savoir que quelques années plus tard, binger une série deviendrait une pratique courante ! Ce fût pour moi une première plongée dans le milieu de l’alpinisme en terrain très hostile. Avant de lire ces planches, je pensais que la motivation première des alpinistes était de gravir des sommets toujours plus hauts, par des voies toujours plus difficiles, quoi qu’il en coûte… Au fil des tomes, on perçoit que l’esprit de compétition est secondaire, et que c’est une attraction viscérale de la montagne qui aimante ces hommes sur la paroi, sans que rien n’importe plus. Je ne comprendrai jamais les risques qu’ils encourent mais leur passion m’inspire et leurs choix souvent radicaux m’aident parfois à clarifier mes priorités. Le sommet des Dieux m’accompagne depuis plusieurs années et revient à mon bon souvenir par bribes. Alors vous devinerez que je n’ai pas boudé mon plaisir à la sortie du film d’animation qui m’a replongé avec bonheur dans cette histoire haletante et m’a permis de revivre de manière condensée cette immersion dans le milieu de l’alpinisme.
Si vous avez aimé cette aventure, du même auteur sur le thème des grands espaces, vous pouvez lire les yeux fermés K sur l’ascension de l’autre sommet iconique de l’Himalaya, Sky Hawk dans le genre western et les contrées sauvages en deux tomes – attention certaines scènes sont violentes dans cette anthologie, l’image des hordes de chiens sauvages me fait toujours froid dans le dos !
Jean-Marc Rochette : la trilogie Ailefroide, Altitude 3954 – Le Loup – La Dernière Reine
Lorsque j’ai lu Ailefroide, je n’habitais pas encore au pied des montagnes mais le processus mental de changement de vie était bel et bien enclenché et l’envie de montagne de plus en plus présente. A coup d’épisodes d’Alex Hugo, mon désir de liberté entre Ecrins et Queyras se concrétisait. Alors forcément, évoquer un récit qui se déroule à quelques encablures du lieu où j’écris ces lignes est d’autant plus chargé de sens.
J’ai aimé Ailefroide pour les mêmes raisons que j’ai aimé le sommet des Dieux, fascinée par la passion qui fait vibrer les alpinistes. Et puis, je suis toujours sensible aux récits initiatiques : je transpose et me projette dans la situation du jeune héros à qui s’offre un champ des possibles quasiment infini. Sans faire de psychologie de comptoir, je suppose que, enfant, je ne me suis jamais autorisée à poursuivre un destin inspiré par mes rêves les plus fous, alors je suis toujours subjuguée quand j’observe des adolescents avec une détermination pour poursuivre leurs aspirations profondes, les rêves qui sont viscéralement ancrés – et pas ceux que l’entourage leur suggère.
Dans la foulée d’Ailefroide, je me suis précipitée sur Le Loup et La Dernière Reine pour m’évader à nouveau dans ces ambiances de haute montagne. Si la fiction est moins palpitante que dans Ailefroide, ces deux opus célèbrent une nouvelle fois le massif des Ecrins, on sent à quel point Rochette aime et connaît le milieu dans lequel il vit, la rudesse des environnements d’altitude et la force de caractère nécessaire pour y vivre.
Autres romans graphiques de montagne
Americana de Luc Healy
J’ai fait l’erreur de lire la version originale et le léger effort que me demande la lecture dans une autre langue que ma langue maternelle a tendance à me gâcher le plaisir… Pourtant la lecture de The Hunting Accident en VO était passée crème… Bref, j’ai dû me prendre à plusieurs reprises pour lire l’histoire de ce jeune irlandais qui s’élance sur le Pacific Crest Trail comme un exutoire de son rêve américain, mais j’en garde finalement un bon souvenir. Parfois j’y repense en me rappelant que ce qui compte ce n’est pas la destination mais le chemin, qu’il faut savoir se déconnecter pour trouver sa voie et se ressourcer. Je ne serais pas surprise si à la lecture de Americana, vous décidiez de vous lancer sur les chemins de Compostelle !

L'appel de la montagne de Mona Leu-Leu

Je serai surprise que cette BD fasse l’objet d’une adaptation au cinéma, le scénario serait trop pauvre. Mais ce n’est pas pour cette raison que je recommande de se pencher sur ce livre…
Si vous n’aimez pas la littérature jeunesse et le plaisir de feuilleter un livre pour ses illustrations, alors passez votre tour.
Si comme moi vous êtes sensibles à ce genre littéraire et ne boudez jamais votre plaisir quand l’occasion vous est offerte de vous isoler dans un univers en image et vous engouffrer dans la liberté d’imagination qu’il procure, alors foncez !
Ce genre de lecture me ramène toujours à cette scène : moi, en grande section de maternelle, parcourant un livre dans le coin bibliothèque de la classe, et assumant de manière décomplexée ma propre contradiction : persuadée de lire cette histoire et consciente que je ne savais pas encore déchiffrer ce qu’il était écrit… Que c’est bon d’avoir cinq ans !
L’invention du vide de Nicolas Debon
L’histoire est bonne, sans plus, les dessins bons mais me laissent un peu indifférente. Alors pourquoi ce livre fait partie de ma sélection ? Parce qu’il met en scène les débuts de l’alpinisme avec une version qui semble crédible. Je l’ai abordé comme un documentaire historique et avec cette approche c’est une expérience que je peux recommander aux amoureux des récits d’aventures en montagne.

A suivre...
En recherchant une couverture pour cet article, je suis tombée sur le catalogue d'une exposition de 2016 présentée au Musée de l'Ancien Évêché de Grenoble. J'ai évidemment immédiatement commandé l'ouvrage qui apporte une perspective historique vraiment intéressante et surtout qui recense des bandes dessinées de tous genres sur le thème de la montagne. J'ai d'ores-et-déjà ajouté quelques ouvrages à ma liste de lecture, la sélection ci-dessus pourrait donc être amenée à évoluer très prochainement !
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